A l’occasion de la conférence de l’Unesco “Pour un Internet de confiance”, le Forum sur l’information et la démocratie (I&D) publie le 21 février une série de recommandations sur le pluralisme des algorithmes de curation et d’indexation, à l’attention des Etats et des plateformes numériques.

Une curation des contenus qui assure le pluralisme, le chantier prioritaire identifié par le Forum sur l’information et la démocratie

C’est une question majeure identifiée par le Forum sur l’information et la démocratie, organe de mise en œuvre du Partenariat du même nom, signé par 50 États démocratiques : les outils utilisés pour l’indexation et la curation – c’est à dire l’agrégation, le tri et la hiérarchisation de l’information – doivent autoriser le recours à des solutions alternatives, permettant un pluralisme de l’indexation, favorisant ainsi la liberté de choix de l’utilisateur.

Pour mettre en œuvre ce principe, le Forum formule plusieurs recommandations à destination des Etats et des plateformes numériques, parmi lesquelles :

  • Dissocier l’hébergement et la curation des contenus pour ouvrir à la concurrence le marché des algorithmes 
  • Faire en sorte que les plateformes proposent à leurs utilisateurs plusieurs options de curation et d’indexation des contenus, dont des options non-algorithmiques
  • Soutenir, via des financements publics, le développement de standards techniques qui favorisent la diversité des contenus sur les plateformes en ligne
  • Obliger les plateformes à divulguer les critères de sélection des contenus afin que les utilisateurs puissent choisir les algorithmes qu’ils utiliseront

Le rapport propose également plusieurs pistes permettant de redonner aux utilisateurs le pouvoir sur les algorithmes, en particulier en contrôlant mieux l’utilisation des données personnelles utilisées pour établir leur profil et les cibler avec des contenus spécifiques. Pour les auteurs du rapport, plusieurs solutions doivent permettre aux utilisateurs de pouvoir sortir plus facilement des bulles filtrantes dans lesquelles ils se trouvent piégés :

  • Donner aux utilisateurs un plus grand contrôle sur le contenu qu’ils voient en renforçant les exigences de transparence et en offrant aux utilisateurs le droit de personnaliser une offre de contenu
  • Assurer que les options d’alternatives soient accessibles et compréhensibles par le grand public
  • Exiger que les plateformes mettent en œuvre des mesures d’interopérabilité, permettant aux utilisateurs de changer de services plus facilement

Ces préconisations seront adressées aux 50 États membres du Partenariat international pour l’information et la démocratie, qui se réunissent lors de sommets annuels en marge de l’Assemblée générale de l’ONU pour développer des principes démocratiques dans l’espace numérique.

Les risques des bulles algorithmiques pour la démocratie et les libertés

Les attaques sur les institutions démocratiques comme au Capitole à Washington ou au Planalto à Brasilia suscitent une inquiétude majeure pour l’avenir. Selon les membres du rapport, elles sont le résultat d’une lame de fond menaçante pour les démocraties : la polarisation du débat public, voire la fragmentation des sociétés, liée au fonctionnement des plateformes numériques et des réseaux sociaux.

Par ailleurs, le rapport met en exergue le business model des plateformes, basé sur l’économie de l’attention, et qui favorise la désinformation, le complotisme et l’exacerbation des tensions entre les individus, les groupes sociaux et les camps politiques. Cette radicalisation des points de vue et des opinions tend à polariser les sociétés démocratiques, au détriment d’une logique pluraliste. 

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A PROPOS DU RAPPORT 

Le comité de pilotage du groupe de travail était présidé par le Professeur Pier Luigi Parcu, directeur du Centre pour la liberté et le pluralisme des médias à l’Institut universitaire européen de Florence (Italie). Des chercheurs, journalistes et experts des technologies comme William Bird de Media Monitoring Africa en Afrique du Sud, la journaliste brésilienne Patricia Campos Mello, connue pour sa couverture de la désinformation de l’ex-président Jair Bolsonaro ou encore Angela Phillips, professeure émérite à l’Université de Londres ont apporté leur expertise à l’équipe de rapporteurs dirigée par Ayden Férdeline. Le groupe a mobilisé des dizaines d’experts en la matière et reçu des contributions du monde entier.

Membres du comité de pilotage

  • Président : Pier Luigi Parcu, directeur du Centre pour le pluralisme et la liberté des médias à l’Institut universitaire européen, Italie
  • William Bird, directeur de Media Monitoring Africa, Afrique du Sud
  • Taina Bucher, professeur associé, Université d’Oslo, Norvège
  • Patrícia Campos Mello, Journaliste, Folha de S.Paulo, Brésil
  • Dominique Cardon, directeur de MediaLab, SciencesPo, France
  • Luis Fernando García, directeur, R3D, Mexique
  • Anita Gurumurthy, Directrice exécutive et Senior Fellow, IT for Change, Inde
  • Stefan Heumann, directeur, Stiftung Neue Verantwortung, Allemagne
  • Angela Phillips, Professeur émérite, Goldsmiths, Université de Londres, Royaume-Uni