Partenariat international sur l'information et la démocratie

  1. Nous, États participant au « Partenariat international pour l’information et la démocratie » ;
  2. Rappelant le droit à la liberté d’opinion et d’expression, qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ;
  3. Reconnaissant que l’espace global de l’information et de la communication connaît une rapide évolution, notamment avec le développement de l’internet ;
  4. Reconnaissant que l’espace global de l’information et de la communication est un bien commun de grande valeur pour la démocratie, qui exige une protection spécifique pour qu’il demeure global, ouvert et accessible à tous, et que les activités des autorités publiques ou des acteurs privés ne doivent pas, directement ou indirectement, le restreindre de façon indue ;
  5. Soulignant que ce nouvel espace global de l’information et de la communication a davantage permis d’exercer le droit à la liberté d’opinion et d’expression et a amélioré l’accès à l’information à bien des égards ;
  6. Reconnaissant qu’il n’est toutefois pas à l’abri des nouvelles formes de censure, de manipulation et de contrôle de l’information ;
  7. Réaffirmant notre attachement à la protection de tous les droits de l’Homme, notamment du droit à la liberté d’opinion et d’expression, garanti par les articles 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
  8. Saluant les efforts unissant différents acteurs qui visent à édifier au niveau international « une société de l’information à dimension humaine, inclusive et privilégiant le développement, dans laquelle chacun ait la possibilité de créer, d’obtenir, d’utiliser et de partager l’information et le savoir », comme ils s’y sont engagés lors du Sommet mondial sur la société de l’information du 12 décembre 2003 ;
  9. Prenant acte de toutes les conventions et résolutions pertinentes des Nations Unies relatives à la sécurité des journalistes et à la promotion, la protection et l’exercice des droits de l’Homme sur l’internet, et rappelant en particulier le principe directeur de la Convention de 2005 de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles selon lequel la diversité culturelle ne peut être protégée et promue que si les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, tels que le droit à la liberté d’opinion et d’expression, sont garantis ;
  10. Saluant l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des engagements qui y sont énoncés, consistant entre autres à promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, notamment en garantissant l’accès de la population à l’information et en protégeant les libertés fondamentales, dans le respect de la législation nationale et des accords internationaux, ainsi qu’en reconnaissant la contribution essentielle que représentent à cet égard la promotion et la protection de la sécurité des journalistes ;
  11. Rappelant la Déclaration internationale sur l’information et la démocratie adoptée le 5 novembre 2018 par la Commission internationale indépendante sur l’information et la démocratie, initiée par l’organisation non gouvernementale Reporters sans frontières (RSF) ;
  12. Considérant la Déclaration conjointe publiée par douze chefs d’État et de gouvernement le 11 novembre 2018 à l’occasion du Forum de Paris sur la paix, annonçant leur décision de lancer une initiative s’inspirant des travaux de cette Commission ;
  13. Soulignant que l’information peut être reconnue comme fiable dans la mesure où sa collecte, son traitement et sa diffusion sont libres, indépendants, divers et fondés sur le croisement de plusieurs sources, dans un paysage médiatique pluraliste où les faits peuvent donner lieu à des interprétations et à des points de vue variés ;
  14. Considérant que le droit à la liberté d’opinion et d’expression est fondamental pour l’exercice des autres droits de l’Homme et libertés fondamentales et que l’accès à une information fiable est essentiel à l’exercice de la liberté d’opinion ;
  15. Saluant à ce titre le rôle essentiel joué par le journalisme pour la liberté d’opinion et d’expression et pour nourrir et promouvoir la discussion sur les questions d’intérêt public tant en ligne qu’hors ligne ;
  16. Réaffirmant que des médias indépendants sont indispensables à une société libre et ouverte dans laquelle les institutions politiques rendent des comptes, et qu’ils sont particulièrement importants pour protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales ;
  17. Exprimant notre préoccupation face aux dommages pouvant être causés par la propagation d’informations erronées ou manipulées dans l’intention délibérée de tromper, et reconnaissant que la collecte, le traitement et la diffusion de l’information menés de façon libre, indépendante, diverse et fondée sur le croisement de plusieurs sources peuvent jouer un rôle pour atténuer ces dommages ;
  18. Soulignant l’importance de la transparence en matière de propriété, de financement et d’indépendance éditoriale des médias ;
  19. Constatant que l’accès à l’espace global de l’information et de la communication revêt une importance cruciale pour la participation pleine et entière à la vie démocratique ;
  20. Soulignant à cet égard l’importance de l’éducation aux médias et à l’information afin que chacun soit libre, critique, indépendant et capable de se défendre face aux informations erronées, à la désinformation et à la manipulation de l’opinion publique ;
  21. Reconnaissant également l’importance de la confiance du public dans le journalisme et de la crédibilité de celui-ci, et les difficultés que rencontrent les journalistes pour conserver leur professionnalisme dans un environnement où la désinformation ciblée et les campagnes de dénigrement visant à discréditer leur travail se multiplient ;
  22. Prenant acte avec préoccupation du fait que toutes les formes de violation des droits de l’Homme et d’abus commis contre les journalistes, qui nuisent directement à leur sécurité et les empêchent d’informer la population, ont une influence négative sur l’exercice du droit à la liberté d’expression ;
  23. Saluant une approche multiacteurs de la gouvernance de l’internet ;
  24. Confirmant que toutes les parties prenantes, en particulier les fournisseurs de services en ligne, qui contribuent à structurer l’espace de l’information et de la communication par la création des moyens techniques, des architectures et des normes de l’information et de la communication, ont des responsabilités afférentes à leur rôle ;
  25. Affirmons les principes suivants:
    1. L’espace global de l’information et de la communication, qui est un bien commun de grande valeur pour la démocratie, doit soutenir l’exercice des droits de l’Homme, en particulier du droit à la liberté d’opinion et d’expression, et notamment le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de rechercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’Homme (article 19) ;
    2. L’accès à une information fiable doit être protégé et promu afin de permettre la participation à la vie démocratique et l’exercice de la liberté d’opinion et d’expression ;
    3. L’information peut être reconnue comme fiable dans la mesure où sa collecte, son traitement et sa diffusion sont libres, indépendants et fondés sur le croisement de plusieurs sources, dans un paysage médiatique pluraliste où les faits peuvent donner lieu à des interprétations et à des points de vue variés ;
    4. Conformément au droit international et aux normes concernant le droit à la liberté d’opinion et d’expression, les journalistes et les personnes travaillant dans les médias doivent être protégés dans l’exercice de leurs fonctions contre toute forme de violence, de menace et de discrimination, de détention arbitraire, de poursuite judiciaire abusive, ainsi que contre toute tentative excessive de les empêcher de faire leur travail et d’accéder aux moyens juridiques appropriés, notamment en ce qui concerne la confidentialité de leurs sources le cas échéant ;
    5. Des modèles économiques durables permettant l’exercice d’un journalisme indépendant de qualité doivent être élaborés ;
  26. Demandons aux fournisseurs de services en ligne qui structurent l’espace global de l’information et de la communication de :
    1. Respecter les principes de transparence, de responsabilité et de neutralité politique, idéologique et religieuse, notamment vis-à-vis de leurs propres services, tout en demeurant conscients de leurs responsabilités en la matière, et mettre en place des mécanismes visant à promouvoir l’accès à une information fiable et à lutter contre la propagation d’informations erronées ou manipulatrices destinées à tromper le public ;
    2. Respecter les responsabilités qui leur incombent, notamment en vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme, en amont de la conception de nouveaux programmes, logiciels et objets connectés ;
    3. Faire preuve de transparence et de responsabilité concernant l’organisation de contenu par algorithmes, notamment la modération des procédures de décision humaines et techniques, la promotion financière des contenus en ligne, la collecte de données personnelles et les accords pertinents passés avec des gouvernements ou des entités privées qui ont une incidence sur le respect des principes susmentionnés ;
    4. Assurer la compatibilité avec les droits de l’Homme de leurs politiques, de leurs procédures, de la conception de leurs algorithmes et de leurs outils de modération et d’organisation de contenu, en particulier avec les normes internationales relatives au droit à la liberté d’opinion et d’expression ;
    5. Permettre l’accès à une pluralité de médias, d’informations et d’idées par des solutions d’indexation diverses et limitant le risque d’apparition de chambres d’écho médiatique et de bulles de filtres alimentées par les algorithmes ;
    6. Promouvoir des outils afin de favoriser la visibilité et la diffusion d’une information fiable ;
  27. Nous efforcerons de :
    1. Mettre en œuvre les obligations internationales concernant le droit à la liberté d’opinion et d’expression et la liberté de la presse, notamment en respectant, en promouvant et en protégeant le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations sans considération de frontières ;
    2. Veiller à ce que nos législations, politiques et procédures permettent la promotion d’un espace global qui favorise l’accès à une information fiable conforme aux principes énoncés ci-dessus ;
    3. Promouvoir les cadres juridiques nationaux et internationaux qui respectent et encouragent l’exercice du droit à la liberté d’opinion et d’expression susmentionné et permettent d’établir clairement les obligations et les responsabilités ;
    4. Encourager la sensibilisation du public à ce droit et à son exercice ;
    5. Œuvrer pour prévenir les actes de violence, les menaces et les attaques visant les journalistes et les personnes travaillant dans les médias, et combattre l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes en menant des enquêtes impartiales, rapides, approfondies, indépendantes et efficaces ;
    6. Condamner sans équivoque et combattre les attaques menées spécifiquement contre les femmes journalistes et travaillant dans les médias dans l’exercice de leurs fonctions, notamment la discrimination et la violence, l’intimidation et le harcèlement sexuels et sexistes en ligne et hors ligne ;
    7. Instaurer et préserver un environnement sûr permettant aux journalistes et aux personnes travaillant dans les médias d’exercer leur activité de façon libre et indépendante, sans ingérence ou intimidation extérieure indue et sans aucune forme de discrimination ;
    8. Lutter contre toute mesure de restriction excessive du droit à la liberté d’opinion et d’expression, prendre des mesures pour prévenir les manipulations de l’information d’origine étatique ou non, et dénoncer, prévenir et combattre ces agissements ;
    9. Faire perdurer et soutenir les conditions permettant d’assurer la viabilité financière du journalisme, tout en veillant à ce que ce soutien ne remette pas en cause l’indépendance éditoriale et la liberté du journalisme, mais les favorise ;
    10. Promouvoir le présent partenariat en tant que moyen de renforcer les mécanismes internationaux et régionaux actuels qui contribuent à appliquer les instruments existants de défense des droits de l’Homme et l’Objectif de développement durable 16.10, de faciliter les échanges entre différents acteurs sur les moyens, les normes et l’échange d’expérience et d’encourager le développement de pratiques d’autorégulation parmi les acteurs de l’espace de l’information et de la communication ;
    11. Saluer le travail réalisé par RSF pour encourager la mise en œuvre du présent partenariat par la création d’un forum en collaboration avec d’autres organisations indépendantes, en particulier pour formuler des recommandations non contraignantes à l’intention des États et des fournisseurs de services en ligne ;
    12. Organiser chaque année, en consultation avec les États signataires, une réunion dans un format convenu d’un commun accord ;
    13. Promouvoir le Partenariat international pour l’information et la démocratie auprès de tous les États afin de les encourager à le rejoindre ;
  28. L’adhésion au présent Partenariat est ouverte à l’ensemble des États, après accord des États signataires.