Discours prononcé par Christophe Deloire, président du Forum sur l’information et la démocratie, le 11 novembre 2021, en présence du président Macron, de la vice-présidente Kamala Harris et de plus de trente chefs d’État et de gouvernement lors du Forum de Paris sur la paix.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les chefs d’État et de gouvernement, Madame la vice-présidente,
Les générations futures tireront peut-être de merveilleux avantages de l’évolution technologique.
Mais aujourd’hui, le fonctionnement des plateformes numériques et des médias sociaux a un effet destructeur sur les démocraties.
Ce ne sont plus les principes démocratiques qui prévalent dans l’organisation de l’espace public, mais une logique commerciale et prédatrice.
Dans le même temps, les régimes dictatoriaux et autoritaires jouissent d’un avantage concurrentiel sur les sociétés ouvertes.
Voulons-nous vivre dans des pays où les débats sont centrés sur l’invective, l’insulte, sous l’emprise de subjectivités unilatérales, sans considération pour la vérité des faits et la légitime diversité des conceptions ?
Voulons-nous vivre dans un système où la corruption du contenu est autorisée, voire encouragée ?
Nous avons lancé une contre-offensive il y a trois ans, comme vous vous en souvenez, Monsieur le Président.
Nous ne pouvons pas attendre que le terrain démocratique brûle.
Nous devons éteindre l’incendie avant qu’il ne se propage.
Il existe désormais un cadre permettant de concilier l’évolution technologique et la démocratie.
Le partenariat pour l’information et la démocratie
Adoptée en 2019 en marge de l’Assemblée générale des Nations unies.
Quarante-trois pays se sont engagés dans ce processus international visant à établir des garanties démocratiques dans l’espace de l’information et de la communication.
Une expérience innovante de « multilatéralisme des démocraties » en coordination avec la société civile.
Ce partenariat est soutenu par l’Alliance pour le multilatéralisme et constitue désormais une référence pour le G7.
Nous saluons le leadership de la France et des 11 autres pays pionniers dont les chefs d’État ou de gouvernement ont lancé ce processus ici même, il y a trois ans jour pour jour.
Au cours des trois dernières années, nous avons également créé le Forum sur l’information et la démocratie, un mécanisme de mise en œuvre du partenariat.
Une organisation du 21e siècle qui rassemble la société civile, les ONG, les universitaires, les juristes et les gouvernements démocratiques dans un effort commun.
Elle a proposé un cadre réglementaire comprenant 250 recommandations spécifiques sur la transparence des plateformes, la modération des plateformes, les services de messagerie et la promotion de la fiabilité de l’information.
Elles vont plus loin que ce qui est entrepris aujourd’hui au niveau européen avec la loi sur les services numériques.
Ce travail a été co-présidé par Maria Ressa, à qui le Comité Nobel de la Paix vient de décerner son prix.
Le Forum a également proposé un New Deal pour le journalisme, un investissement de toutes les parties prenantes en faveur d’un journalisme indépendant de qualité.
Au cœur du New Deal, nous avons créé un référentiel international avec des acteurs majeurs du monde entier.
Il s’agit d’une solution de marché qui favorisera la visibilité et la viabilité des médias qui respectent les méthodes et l’éthique journalistiques professionnelles.
Il s’agit de l’Initiative pour la Confiance dans le Journalisme (JTI), un mécanisme d’autorégulation.
Cela peut changer la donne.
Toutes les parties intéressées, les plateformes numériques, les annonceurs, les bailleurs de fonds publics et privés et les organismes de réglementation, peuvent adopter cette solution systématique, qui est désormais opérationnelle et disponible.
Pour sortir du chaos informationnel par le haut.
Et bien sûr, les gouvernements peuvent, et même doivent, apporter leur soutien.
Le premier sommet ministériel sur l’information et la démocratie s’est tenu à New York le 24 septembre.
Une réunion qui se tiendra désormais chaque année.
Nous avons annoncé la création de l’Observatoire international de l’information et de la démocratie, coprésidé par Angel Gurria et Shoshana Zuboff.
Une entité d’évaluation et d’analyse comparable à ce qu’est le GIEC pour le réchauffement climatique.
En résumé, avec le partenariat pour l’information et la démocratie, le forum du même nom, l’observatoire, les sommets, la coalition des gouvernements et la coalition de la société civile, nous disposons de tous les éléments pour créer un espace numérique démocratique.
Un espace dans lequel les institutions démocratiques garantissent le respect des principes fondamentaux, fondé sur la responsabilité des plateformes qui le façonnent et le structurent, et doté de mécanismes de protection contre les offensives déstabilisatrices.
Investir dans ce partenariat, c’est protéger un bien commun, l’espace d’information, c’est garantir les conditions démocratiques du débat public au XXIe siècle, c’est défendre les droits de l’homme.
Il s’agit d’éviter la perte de contrôle technologique.
Il s’agit simplement de mettre les technologies au service de l’Humanité et des Nations démocratiques.
Un dernier mot : nous espérons que dans tous les futurs événements internationaux sur la démocratie, à commencer par le Sommet pour la démocratie annoncé par le président Biden, les États continueront à construire sur les fondations, les briques et le cadre que nous avons posés. C’est une entreprise majeure, mais la reconstruction est en cours, elle est déjà avancée.